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persévérant viendra, ajoute le citoyen de Zurich ; il ramènera le monde à la vérité, ou du moins au désir de la connaître. De découverte en découverte, d’observation en observation, les préventions seront détruites, et l’homme reconnaîtra que la physiognomonie est une science aussi importante, aussi difficile, aussi élevée que les autres sciences sur lesquelles se fondent et s’appuient les sociétés civilisées.

Plein d’amour, de respect et de conviction pour sa science favorite, le bon Lavater se défend modestement d’en être le premier explorateur. Il cite plusieurs de ses devanciers, Aristote, Montaigne, Salomon… Il cite les proverbes suivants, tirés du livre de la Sagesse :

« Les yeux hautains et le cœur enflé.

« La sagesse paraît sur le visage du sage, mais les regards du fou parcourent les bouts de la terre.

« Il y a une race de gens dont les regards sont altiers et les paupières élevées. »

Lavater cite également plusieurs passages de Herder qui viennent à l’appui de son système ; en voici un remarquable, que vous avez eu sans doute le bonheur de lire en allemand, mais que je remets sous vos yeux, parce que je le trouve empreint du génie de la métaphore allemande, métaphore à la fois grandiose et recherchée :

« Quelle main pourra saisir cette substance logée dans la tête et sous le crâne de l’homme ? Un organe de chair et de sang pourra-t-il atteindre cet abîme de facultés et de forces internes qui fermentent ou se reposent ? La Divinité elle-même a pris soin de couvrir ce sommet sacré, séjour et atelier des opérations les plus secrètes ; la Divinité, dis-je, l’a couvert d’une forêt, emblème des bois sacrés où jadis on célébrait les mystères. On est saisi d’une terreur religieuse à l’idée de ce mont ombragé qui renferme des éclairs dont un seul échappé du chaos, peut éclairer, embellir, ou dévaster et détruire un monde.