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Est-ce à l’art lui-même que tu veux faire le procès ? Il se moque bien de toi, et de vous tous, et de tous les systèmes possibles ! Tâchez d’éteindre un rayon du soleil. Mais ce n’est pas cela. Si je te répondais, je n’aurais à te dire que des choses aussi neuves que celles-ci : Les fleurs sentent bon ; il fait chaud en été ; les oiseaux ont des plumes ; les ânes ont les oreilles beaucoup plus longues que celles des chevaux, etc., etc.

Si ce n’est pas l’art que tu veux tuer, ce ne sont pas non plus les artistes. Tant qu’on croira à Jésus sur la terre, il y aura des prêtres, et nul pouvoir humain ne pourra empêcher un homme de faire, dans son cœur, vœu d’humilité, de chasteté et de miséricorde ; de même, tant qu’il y aura des mains ferventes, on entendra résonner la lyre divine de l’art. Il paraît qu’il y a ici un mécontentement accidentel et particulier des enfants de la jeune Rome contre ceux de la vieille Babylone. Que s’est-il passé ? Moi, je ne sais rien. L’autre jour, un des vôtres, c’est-à-dire un des nôtres, un républicain, déclara presque sérieusement que je méritais la mort. Le diable m’emporte si je comprends ce que cela veut dire ! Néanmoins, j’en suis tout ravi et tout glorieux, comme je dois l’être ; et je ne manque pas depuis ce jour-là de dire a tous mes amis, en confidence, que je suis un personnage littéraire et politique fort important, donnant ombrage à ceux de mon propre parti, à cause de ma grande supériorité sociale et intellectuelle. Je vois bien que cela les étonne un peu, mais ils sont si bons qu’ils consentent à partager ma joie. Le Malgache m’a demandé ma protection, afin d’avoir l’honneur d’être pendu à ma droite, et Planet à ma gauche. Nous ne pouvons manquer d’échanger, dans cette situation, les plus charmants jeux de mots et les plus délicieuses facéties. Mais, en attendant, je ne veux pas qu’on en plaisante, et je prétends que mes amis disent de moi : — Ce garçon-là a trop d’esprit, il ne vivra pas.

Voyons pourtant, examinons l’affaire de mes confrères