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rien pour moi des enchantements et des embûches que l’ennemi nous tend dans l’ombre. J’ai pour patron le guerrier céleste qui écrase les dragons sous les pieds de son cheval. C’est Dieu qui conduit ton bras, c’est la bravoure et l’orgueil divin qui rendent tes pieds invulnérables, ô George le bienheureux ! Ami, mon patron est un grand lutteur, un hardi cavalier ; j’espère qu’il m’aidera à dompter mes passions, ces dragons funestes qui essayent encore parfois d’enfoncer leurs griffes dans mon cœur et de l’arracher à son salut éternel.

Je reviens à toi, ami. Ne t’inquiète pas de ces accès d’une émotion que tu ne connais plus. Un jour viendra aussi pour moi, peut-être bientôt, où rien ne troublera plus ma sérénité, où la nature sera un temple toujours auguste, dans lequel je me prosternerai à toute heure pour louer et bénir. Voici d’ailleurs un petit vent qui se lève et qui balaye les vapeurs. Voici une étoile qui montre sa face radieuse, comme un diamant au front du plus haut des arbres du jardin ; je suis sauvé. Cette étoile est plus belle que tous les souvenirs de ma vie, et la partie éthérée de mon âme s’élance vers elle et se détache de la terre et de moi-même. Éverard, est-ce là ton astre ou le mien ? Lui parles-tu maintenant ? Je reviens à l’histoire de mon Malgache, c’est-à-dire… j’y reviendrai demain ; je suis las, et je vais dormir de ce bon et calme sommeil d’enfant que j’ai retrouvé au bercail, comme un ange attaché à la garde de mon chevet. Je t’envoie une fleur de mon jardin. Bonsoir, et la paix des anges soit avec toi, confesseur de Dieu et de la vérité !

23 avril.

Je reviens à l’histoire de mon Malgache… Mais je m’aperçois qu’elle est finie ; car je ne fais pas entrer en ligne de compte, dans les faits de sa vie, une amourette qui faillit le rendre très-malheureux, et qui, Dieu merci, se borna à un