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pourvu qu’au jour de l’action tu ne restes pas plus couché qu’a l’ordinaire ? Moi seul, peut-être, te plains comme tu le mérites ; car j’ai sondé les abîmes de ta douleur et je sais combien le doute répand d’amertume sur nos plus belles conquêtes. Je connais ces heures de la nuit où l’on se promène seul dans le silence, sous le froid regard de la lune et des étoiles qui semblent vous dire : Vous n’êtes que vanité, grains de sable ; demain vous ne serez plus et nous n’en saurons rien.

Quand cela t’arrive, maître, il faut te quitter toi-même et venir à nous. Tu lutteras en vain contre la grande voix de l’univers ; les astres éternels auront toujours raison, et l’homme, quelque grand qu’il soit parmi les hommes, sera toujours saisi d’épouvante quand il voudra interroger ce qui est au-dessus de lui. Ô silence effrayant, réponse éloquente et terrible de l’éternité !

Reviens à nous, assieds-toi sur l’herbe de notre cap Sunium, au milieu de tes frères. Debout, tu les dépasses trop, et tu es seul. Descends, descends, et laisse-toi consoler. Il y a encore autre chose que la grandeur et la force ; c’est la bonté, c’est le lien le plus suave et le plus immaculé qui soit parmi les hommes. Une larme fait souvent plus de bien sur la terre que les victoires de Spartacus. Tu l’as en toi, ce trésor de la bonté, homme trop riche en grandeurs ! Partage-le avec nous ; aux heures où tu n’es pas obligé de ceindre la cuirasse et l’épée, oublie un peu le passé et l’avenir. Donne le présent à l’amitié. Il n’y a plus que cela dont je ne puisse pas douter. Si tu savais quels amis le ciel m’a donnés ! Tu le sais, tu les connais, ils sont tes frères ; mais tu ne peux savoir l’étendue de leurs bienfaits envers moi. Tu ne sais pas de quels gouffres de désespoir ils m’ont cent fois retiré, avec leur inépuisable patience, avec leur sublime miséricorde, quand je repoussais leurs bras avec colère, avec méfiance, et que je leur crachais à la figure mon ingratitude et mon scepticisme.