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LETTRES À ALFRED DE MUSSET

rien à l’état de mon âme à présent. Je sais que je t’aime, et c’est tout[1]… Veiller sur toi, te préserver de tout mal, de toute contrariété, t’entourer de distractions et de plaisirs, voilà le besoin et le regret que je sens depuis que je t’ai perdu. Pourquoi cette tâche si douce et que j’aurais remplie avec tant de joie, est-elle devenue peu à peu si amère et puis tout à coup impossible ? Quelle fatalité a changé en poison les remèdes que je t’offrais ? Pourquoi, moi qui aurais donné tout mon sang pour te donner une nuit de repos et de calme, suis-je devenue pour toi un tourment, un fléau, un spectre ? Quand ces affreux souvenirs m’assiègent (et à quelle heure me laissent-ils en paix ?) je deviens presque folle. Je couvre mon oreiller de larmes, j’entends ta voix m’appeler dans le silence de la nuit. Qu’est-ce qui m’appellera à présent ? qui est ce qui aura besoin de mes veilles ? à quoi emploierai-je la force que j’ai amassée pour toi, et qui maintenant se tourne contre moi-même ! Oh ! mon enfant ! mon enfant ! que j’ai besoin de ta tendresse et de ton pardon ! ne parle pas du mien, ne me dis jamais que

  1. Ici trois lignes supprimées à l’encre.