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vède Barine a noté les phases de cette nouvelle torture. Après Venise, il y en eut deux. Pendant la première, George Sand, malgré ses pressentiments, céda aux instances de Musset : « Que ce soient deux âmes qui ont souffert… deux aigles blessés, qui se rencontrent dans le ciel et échangent un cri de douleur avant de se séparer pour l’éternité[1] ». Ce fut, en effet, un cri de douleur atroce qu’ils échangèrent durant cette brève reprise, dont Musset, qui l’avait provoquée, se rebuta le premier. Mais alors, par une sorte de fatalité tragique, c’est George Sand qui fut atteinte jusque dans les moelles d’une frénésie d’amour que le départ de Musset exaspéra. La malheureuse femme passe ainsi trois mois, dans une détresse et une exaltation qui font pitié. Qu’elle n’en soit pas devenue folle, c’est ce qu’on a de la peine à comprendre. Mais aussi, qu’après une crise de cette violence, suivie d’une dernière et encore plus amère reprise de leurs relations, elle se soit guérie relativement vite, non sans une crise physique où sa santé faillit rester, c’est ce qui s’explique très bien par l’épuisement total de ce cœur, pourtant si fort

  1. Mariéton, p. 189.