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la crise, elle n’a voulu que son bien, et elle a fait au poète tout ce qu’il était en son pouvoir de lui faire. En d’autres termes, après les courtes ivresses du début, de très bonne heure elle l’a aimé pour lui. C’est par ce côté fraternel ou « maternel », pour trancher le mot délicat, que sa passion composite devient intéressante, puisque l’objet de cette passion est un être frêle, un poète de génie dans un très jeune homme, une de ces âmes trop précoces qui font craindre pour leur maturité.

Et d’abord, ses soins lui ont sauvé la vie. Certes, le dévouement lui fut facile, car cette femme avait appétit de dévouement. Mais, si nulle part elle ne prend avantage du service rendu, ce n’est pas une raison pour l’oublier, La mère du poète ne s’y trompa point : « J’ai une bien grande reconnaissance pour madame Sand et pour les soins qu’elle t’a donnés. Que serais-tu devenu sans elle ? C’est affreux à penser[1]. »

Ce que furent ces nuits de délire fiévreux, on le sait par les lettres à Boucoiran, inédites en partie : « Je suis toujours bien à plaindre… Les médecins me disent : « Poco

  1. M. Clouard, Revue de Paris, du 15 août 1896. p. 720.