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les sept cordes de la lyre

méphistophélès. Oh ! la vue n’en coûte rien. Ce sont des parchemins qui m’échurent en payement dans la vente qu’on fit après la mort de maître Meinbaker. J’étais un de ses créanciers, et, comme tant d’autres, je fus ruiné.

albertus. Quand un juif se plaint, c’est signe qu’il est content. De qui donc est ce manuscrit ?

méphistophélès. De quel autre pourrait-il être que du grand luthier, poëte, compositeur, instrumentiste et magicien, Tobias Adelsfreit ?

albertus. Ah ! j’ai vu beaucoup de son écriture.

méphistophélès. J’en suis bien aise ; vous pourrez constater l’authenticité de celle-ci. (Il étale de vieux cahiers sur la table.)

albertus. En effet, elle me paraît incontestable. Voilà son seing et son cachet… Contrats de vente de divers instruments… inventaires de magasin, à diverses époques, avec la date de la confection des instruments… Tout cela est sans importance. Mais ce livre couvert de figures bizarres à demi effacées par le temps… c’est encore son écriture. Voyons donc, sont-ce des vers ?… Non… Voici des essais de composition musicale, pensées lyriques d’une grande valeur sans doute pour les curieux, et d’un grand mérite pour les artistes… Que vois-je ici ? des mots sans suite… des phrases tronquées, jetées là pour memento et dont il serait oiseux ou impossible de reconstruire le sens… (Se parlant à lui-même et oubliant la présence de Méphistophélès.) Ah ! maintenant, des signes cabalistiques, de la magie ! J’en étais sûr ! nos pères ne pouvaient sortir de leurs grossières perceptions que pour tomber dans des superstitions plus grossières encore. Dois-je m’en étonner ? Moi qui vis dans un siècle plus éclairé et qui juge froi-