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les sept cordes de la lyre

belles statuettes de sirènes qu’il ait jamais vues.

le poëte. Lottenwald s’y connaît ! Quant à moi, je compte mettre en vers la légende fantastique qui se rattache à la lyre d’Adelsfreit. On assure, maître Jonathas, que vous seul connaissez la véritable version. C’est une tradition qu’on dit fort curieuse, et que feu Meinbaker le luthier ne racontait à ses meilleurs amis que sous le sceau d’un secret inviolable. J’espérais, en qualité de poëte de la cour, avoir assez de droits à sa considération pour qu’il me confiât cette histoire mystérieuse ; mais il ne voulut jamais s’y prêter.

le peintre. Parce que vous comptiez la raconter au public sous le sceau d’un secret inviolable… Moi, je me serais montré moins exigeant. J’aurais désiré copier les figurines, afin d’en orner les cadres des portraits de la famille impériale. Sa Majesté eût été sensible à cette invention : elle aime particulièrement les cadres des tableaux ; on peut même dire qu’elle daigne les préférer aux tableaux mêmes. Aussi c’est ce que je soigne le plus dans le choix des peintures dont elle me charge de composer sa galerie.

le maestro. Mauvais plaisant, taisez-vous ; qu’importe que Sa Majesté comprenne les arts, pourvu qu’elle les protége ?

méphistophélès, il leur montre la lyre sur le piédestal. Voilà, messieurs, cet admirable instrument. On ne vous a pas trompés, comme vous voyez : son pareil n’existe pas dans le monde.

le maestro. Ah ! c’est cela ? Je m’attendais à autre chose.

le peintre. Je vous demande mille pardons, monsieur Jonathas, mais je me connais un peu à ces sortes d’instruments : ceci n’est point un Adelsfreit.