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les sept cordes de la lyre

croire. C’est qu’il est diverses manières de gravir cet escalier sacré : les uns s’y cramponnent lentement et péniblement avec les pieds et les mains, d’autres ont des ailes et le franchissent légèrement.

albertus. Toujours tes métaphores ! Tu veux dire que, vous autres artistes, vous êtes des colombes, et nous, logiciens, des bêtes de somme. Eh bien, si le genre humain se compose d’être vulgaires, et que les poëtes, par une intuition divine, pénètrent seuls dans le conseil de Dieu, qu’ils nous le révèlent, mais qu’ils se fassent comprendre avant tout.

hanz. Ils vous le disent par toutes les voix de l’art et de la poésie ; mais mieux ils le disent, moins vous les comprenez ; car vous fermez vos oreilles avec obstination. Ils ont gravi jusqu’au ciel, ils ont entendu et retenu les concerts des anges, ils vous les traduisent le mieux qu’ils peuvent ; mais leur expression retient toujours quelque chose d’élevé qui vous semble mystérieux, parce que votre organisation se refuse à sortir des bornes de la raison démonstrative. Eh bien, modifiez cette organisation imparfaite par une attention sérieuse aux œuvres d’art, par l’étude des arts, et surtout par une grande et entière adhésion au développement et au triomphe des arts et de la poésie. La philosophie y gagnera ; car, je le répète, elle est autant la fille que la mère de la poésie, et, si vous n’aviez pas vu les chefs-d’œuvre de la statuaire antique, vous n’auriez jamais bien compris Platon.

albertus. C’est que ce sont en effet des chefs-d’œuvre. Nul ne les conteste ; le beau est donc appréciable pour tous.

hanz. Vous les avez vus sans les bien comprendre ;