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les sept cordes de la lyre

vous, des sibylles inspirées, prêtes à nous révéler de célestes mystères. Il est possible que, sous l’empire d’une exaltation étrange, ils aient un sens très-étendu pour sentir la beauté extérieure des choses ; mais, s’ils se trouvent une langue intelligible pour nous associer à leur enthousiasme, cette contention de l’esprit dans une pensée d’isolement ne peut être qu’un état dangereux pour eux, inutile pour les autres.

hanz. Eh bien, maître, il est temps que je vous le dise franchement, je suis poëte ! Et pourtant je ne fais pas de vers, et pourtant, à moins que vous ne me chassiez, je ne vous quitterai point ; car je suis philosophe aussi, et l’étude de la sagesse ne fait qu’exalter mon penchant à la poésie. Pourquoi suis-je ainsi ? et pourquoi êtes-vous autrement ? et pourquoi Hélène est-elle autrement encore ? Je puis concilier les idées d’ordre et de logique avec l’enthousiasme des arts et l’amour de la rêverie. Vous, au contraire, vous proscrivez la rêverie et les arts ; car, à vos yeux, l’une ne peut être convertie en une laborieuse méditation, et les autres s’inspirent souvent, avec succès, des désordres de la pensée et des excès de la passion. Hélène, dans sa folie, appartient encore à un autre ordre de puissance. Elle est absorbée dans une poésie si élevée, si mystérieuse, qu’elle semble être en commerce avec Dieu même, et n’avoir aucun besoin de sanction dans les arrêts de la raison humaine.

albertus. Et que voulez-vous conclure, mon enfant ?

hanz. Maître, souffrez que le disciple récite d’abord sa leçon devant vous. Dieu nous a jetés dans cette vie comme dans un creuset où, après une existence précédente dont nous n’avons pas souvenir, nous sommes