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LE
DIEU INCONNU



Au temps de Dioclétien, lorsque le christianisme grandissait dans la persécution, Pamphile, prêtre de Césarée, vint à Rome pour joindre ses efforts à ceux de Caïus, de Quentin et de plusieurs autres saints hommes, successeurs des apôtres, occupés tous à former des âmes pour le martyre, afin que le sang des chrétiens lavât sur les pavés de Rome les souillures de la débauche païenne. L’holocauste de Jésus continuait à monter vers le ciel ; ses disciples venaient se faire immoler sur l’autel encore fumant, afin que le monde fût racheté, afin que Dieu, épouvanté lui-même des turpitudes humaines, pût mettre dans la balance de sa justice quelques morts héroïques en compensation de tant de vies honteuses.

Un soir, après la courte et sublime exhortation que le reste du troupeau écoutait chaque fois comme pouvant être la dernière (car bien souvent au matin, soit le pasteur, soit la brebis, quelqu’un manquait à l’appel, et le De profundis était murmuré à voix basse sur un cénotaphe), Pamphile, ayant donné sa bénédiction et son triste adieu à ses frères, les regardait s’éloigner lentement et dans un profond silence,