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lettres à marcie

les lois relatives à la sûreté de la vie et de la propriété, qu’on lui fasse la guerre sans autre forme de procès. Des lois dont elle n’aurait pas la faculté d’apprécier le but et l’esprit aussi bien que ceux qui les créent seraient des lois absurdes, et il n’y aurait pas de raison pour ne pas soumettre les animaux domestiques à la législation humaine.

Non, Marcie, loin de moi, loin de vous cette pensée que vous n’êtes pas apte à concevoir et à pratiquer la plus haute sagesse que les hommes aient pratiquée ou conçue. La précipitation de vos desseins, l’ardeur de vos pensées inquiètes ne prouvent rien sinon que vous avez une âme forte et que vous n’avez pas encore trouvé la nourriture qu’elle réclame. Cherchez-la dans les livres sérieux. Appliquez-vous à les comprendre, et, si vous sentez quelquefois vos facultés rebelles, sachez bien qu’elles sont ainsi par inexpérience et non par impuissance. Les femmes reçoivent une déplorable éducation ; et c’est là le grand crime des hommes envers elles. Ils ont porté l’abus partout, accaparant les avantages des institutions les plus sacrées. Ils ont spéculé jusque sur les sentiments les plus naïfs et les plus légitimes. Ils ont réussi à consommer cet esclavage et cet abrutissement de la femme, qu’ils disent être aujourd’hui d’institution divine et de législation éternelle. Gouverner est plus difficile qu’obéir. Pour être le chef respectable d’une famille, le maître aimé et accepté d’une femme, il faut une force morale individuelle, les lois sont impuissantes. Le sentiment du devoir, seul frein de la femme patiente, l’élève tout à coup au-dessus de son oppresseur. La famille, témoin équitable et juge désintéressé, porte son jugement et son respect exclu-