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lettres à marcie

Je sais que certains préjugés refusent aux femmes le don d’une volonté susceptible d’être éclairée, l’exercice d’une persévérance raisonnée. Beaucoup d’hommes aujourd’hui font profession d’affirmer physiologiquement et philosophiquement que la créature mâle est d’une essence supérieure à celle de la créature femelle. Cette préoccupation me semble assez triste, et, si j’étais femme, je me résignerais difficilement à devenir la compagne ou seulement l’amie d’un homme qui s’intitulerait mon dieu : car au-dessus de la nature humaine je ne conçois que la nature divine ; et, comme cette divinité terrestre serait difficile à justifier dans ses écarts et dans ses erreurs, je craindrais fort de voir bientôt la douce obéissance, naturellement inspirée par l’être qu’on aime le mieux, se changer en haine instinctive qu’inspire celui qu’on redoute le plus. C’est un étrange abus de la liberté philosophique de s’aventurer dans des discussions qui ne vont à rien de moins qu’à détruire le lien social dans le fond des cœurs, et ce qu’il y a de plus étrange encore, c’est que ce sont les partisans fanatiques du mariage qui se servent de l’argument le plus propre à rendre le mariage odieux et impossible. Réciproquement l’erreur affreuse de la promiscuité est soutenue par les hommes qui défendent l’égalité de nature chez la femme. De sorte que deux vérités incontestables, l’égalité des sexes et la sainteté de leur union légale, sont compromises de part et d’autre par leurs propres champions. Les aphorismes maladroits de la supériorité masculine n’ont pris cette âcreté, je vous l’ai dit, qu’à cause des prétentions excessives de l’indépendance féminine.

L’égalité, je vous le disais précédemment, n’est pas