Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/216

Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
lettres à marcie

Dieu plus neuf, une philosophie plus facile, une éducation plus rapide. Ton temple est vieux, ton culte est usé ; ton nom sert de glaive et de bandeau dans la main des princes de la terre. Tes prêtres ont scellé de la croix et des insignes de tes martyrs la vente de nos âmes et de nos vies ; ils ont fait servir ta parole à épaissir les ténèbres de notre entendement. Sois donc le Dieu des despotes et le Dieu des esclaves ; nous voulons être libres. S’il faut passer par l’athéisme, s’il faut renverser ton Calvaire et maudire ton père Jéhovah, nous le ferons plutôt que de rester courbés sous des lois iniques et sous un fouet sanglant. »

Et ainsi, tandis que des prêtres impies livraient de nouveau le Christ aux pharisiens, les fidèles trompés et découragés abandonnaient leur maître, et la foule resta sans doctrine et sans loi. Ce qu’on appela dès lors la philosophie fut l’absence de toute philosophie, car avec le christianisme on perdit le précepte de toute morale sentie et raisonnée, et l’habitude de veiller humblement sur moi-même, si salutaire, et qu’aucune sagesse ne peut remplacer. Quelques hommes essayèrent de faire revivre d’antiques doctrines, saints monuments des temps antérieurs au christianisme, mais insuffisantes après lui, et n’apportant pas plus d’éléments de vie que des cadavres exhumés du cercueil. Il n’était pas donné à la raison humaine de rompre la chaîne des temps. La logique inflexible de l’éternel mouvement entraîne nos intelligences vers l’avenir. Si nous devons saluer le passé avec respect, nous ne pouvons pas rétrograder vers lui. Comment Épicure et Platon, comment Zénon et Épictète pourraient-ils éclairer le christianisme, dont la seule sagesse les résume et les perfectionne tous ?