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lettres à marcie

très-probable que vous serez appelée par de meilleures circonstances, par la rencontre imprévue de ces bonheurs dont l’ange de notre destinée nous murmure quelquefois le secret à l’oreille, à réaliser votre premier vœu. Si la fortune continue à vous maltraiter, vous serez plus forte qu’elle ; vous tournerez vos aspirations vers des hauteurs sublimes, vous chercherez entre le mysticisme et la philosophie un rôle d’exception, une mission de vierge et d’ange ; si votre âme n’y atteint pas, vous souffrirez longtemps avant de vous résoudre à risquer votre sagesse sur des promesses incertaines, sur des espérances trompeuses. Vous mourrez plutôt que d’accepter la fortune et le plaisir de quelque source impure.

Et n’ayez pas d’amertume contre moi, amie infortunée. Ne dites pas que vous me défiez de joindre l’exemple au précepte. Qu’est-ce que cela prouverait pour ou contre la vérité ? La vérité est immuable ; le culte plus ou moins fidèle, plus ou moins épuré que nous lui rendons, n’altère ni n’augmente sa toute-puissance. Elle est au-dessus de nos négations, comme elle est au-dessus de nos hommages ; c’est une source vive qui ne se refuse jamais à nos lèvres, mais qui ne saurait être tarie et ensablée par notre abandon. D’ailleurs, il faudrait que je fusse bien préoccupé, bien maladroit à exprimer ma pensée, si je vous semblais, en cette circonstance, occupé un seul instant à me prévaloir d’aucune espèce de supériorité sur vous. Je vous l’ai dit, je vous le répète, mon âme est aussi troublée, aussi effrayée que la vôtre ; et, quand je vous exhorte au courage, c’est à nous deux que je parle.

Adieu ! attendez la manifestation de la volonté