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lettres à marcie

Dans la vieillesse, la destinée de l’homme pâlit sensiblement, non parce que les joies matérielles lui échappent : tout se compense ; et, s’il a moins d’aptitude à la vie active, il a en revanche plus de ressources matérielles acquises pour assurer son bien-être, mais parce qu’à mesure qu’il approche du terme de sa vie, il devient moins nécessaire à la famille. Dans cet effacement progressif de l’individu dont la tâche est accomplie, la seule joie qui ne lui échappe pas, c’est l’estime et le respect de la famille sociale et de la famille privée. C’est alors que la progéniture devenue indépendante et l’opinion devenue impartiale récompensent la tendresse paternelle et la conduite civique par une tendresse et une considération proportionnées aux services rendus. Alors, le vieillard s’endort paisible et consolé de sa dure carrière s’il espère que la semence de ses sentiments et de ses idées fructifiera dans une génération sortie de lui et des siens. La mère est moins occupée de la grande famille humaine et de l’avenir des idées que de la vie matérielle des êtres nés de son sein. Elle se console de la mort par la seule certitude de la vie qu’elle a donnée et qui subsiste après elle. Comme la fleur en s’effeuillant mêle son dernier parfum aux parfums naissants des boutons qui s’entr’ouvrent sur sa tige, j’ai vu l’aïeule rustique mourir en échangeant son dernier sourire avec celui de l’enfant qui venait de naître.

Ainsi le rôle de chaque sexe est tracé, sa tâche lui est assignée, et la Providence donne à chacun les instruments et les ressources qui lui sont propres. Pourquoi la société renverserait-elle cet ordre admirable, et comment remédierait-elle à la corruption