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lettres à marcie

travers le naufrage, les débris du spiritualisme et de l’esprit de charité. Ainsi, vous le voyez, loin de moi cette pensée que la femme soit inférieure à l’homme. Elle est son égale devant Dieu, et rien dans les desseins providentiels ne la destine à l’esclavage. Mais elle n’est pas semblable à l’homme, et son organisation comme son penchant lui assignent un autre rôle, non moins beau, non moins noble, et dont, à moins d’une dépravation de l’intelligence, je ne conçois guère qu’elle puisse trouver à se plaindre. La Providence, qui a déposé entre ses bras et attaché à son sein l’enfance de l’homme, ne lui a-t-elle pas donné un amour plus ardent de la progéniture, une industrie sublime pour cette première occupation, et des joies ineffables dont la puissance est un mystère pour la plupart des hommes ? Qui nous peindra les transports d’une mère au premier baiser de son enfant ? Qui nous expliquera comment l’attrait chaste et divin de cette simple caresse la dédommage, au centuple, des labeurs de l’enfantement, des fatigues et des sollicitudes souvent cruelles de l’allaitement ?… Mais, quoi ! la vie de l’homme n’est-elle pas difficile et rude dans la nature comme dans la société ? Tout n’est-il pas incertitude, travail, combat dans sa destinée ? Et ses amours, et ses conquêtes et son repos, tout n’est-il pas acheté de son sang et arrosé de ses sueurs ? Examinons la vie dans son ordre le plus social et en même temps le plus naturel. À commencer par l’amour, l’homme provoque une affection qu’il n’inspire pas encore. Faire partager cet amour est pour lui un combat et une souffrance ; et pour la femme ce n’est encore qu’un examen, qu’une attente, qu’un désir vague plein de fierté douce et de sage retenue. Si le choix