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lettres à marcie

plus fraîche que jamais, comme vous voyez ; on chante toujours, on rit toujours comme devant ; on lit toujours l’Imitation ; on prie avec ferveur, et Dieu bénit les cœurs simples. Si une personne chez nous est plus sereine et plus contente que les autres, c’est certainement Arpalice. »



III


Je conviens que votre situation est loin de vous offrir des dédommagements aussi réels que ceux dont je vous ai fait le tableau fidèle dans l’histoire d’Arpalice. Je sais bien que votre âme est aimante et généreuse ; je ne doute pas qu’avec une pensée de dévouement, avec l’échange de vives et saintes affections, vous n’eussiez pu accomplir de semblables sacrifices. Chère Marcie, je sais que vos souffrances ne sont point imaginaires, et mon cœur est pénétré de compassion au spectacle de cet isolement fatal, sans diversion, sans terme peut-être, et que l’agitation du monde rend plus profond encore. Mais n’aggravez pas votre mal, je vous en supplie, par une fausse appréciation de vous-même et des choses extérieures. Je vous vois maintenant prendre le dessus, remporter la victoire sur les passions de la femme ; mais, en même temps que j’admire ce courage, je suis effrayé de vous entendre maudire la condition de votre sexe en ce qu’elle a précisément de meilleur et de plus sagement établi. Vous voudriez donner le change à vos souffrances par l’enivrement de la vie