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lettres à marcie

ligence est cultivée, votre réputation est sans tache comme votre vie, mais vous êtes pauvre ; et, tandis que les filles les moins aimables et les plus mal faites trouvent un époux à prix d’or, vous semblez condamnée par les convenances d’un monde cupide à vivre dans la solitude.

Marcie, ne vous plaignez point trop, ne soyez point ingrate. Vous êtes instruite, vous êtes pure. Voilà de grandes supériorités, de véritables éléments de bonheur ; et ces riches infortunées, qui sont réduites à acheter leur époux, doivent vous inspirer une profonde pitié. Oh ! que leur tâche est rude, à celles-là ! Qu’il faut de résignation à ces êtres flétris en naissant du sceau de la laideur et de l’ineptie ! Leur existence est une humiliation que l’esprit de renoncement et d’humilité (mort, hélas ! avec la foi évangélique) peut seul aider à porter avec dignité. Vous savez si la société, malgré ses tristes caresses, les dédommage des sévérités de la nature ; vous savez si l’homme attaché à elles par un serment honteux peut feindre longtemps et leur cacher son dégoût et son aversion. J’ai connu une pauvre fille de seize ans qui avait quatre cent mille livres de rente. La mort semblait avoir posé sa main glacée sur ce jeune visage déjà décrépit, et courbé cette taille débile et contrefaite, toujours près de se briser. Son âme était triste comme son front, souffrante comme son corps. Mais ce déplorable enfant de la vieillesse débauchée d’un riche avait en lui le trésor d’une angélique douceur. Un regard paternel était descendu d’en haut sur cette pauvre créature ; un rayon céleste lui avait donné la force de vivre hors de sa misérable enveloppe.

Elle voulait se faire religieuse. Sa famille s’y op-