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les sept cordes de la lyre

aliment à cette flamme, et, quand elle aura brûlé le temps nécessaire, elle s’éteindra d’elle-même ; car, étant de nature terrestre, elle doit périr. L’autre, qui est céleste, lui survivra et vous possédera tout entier.

albertus. Mais, pour aimer, il faut pouvoir être aimé.

méphistophélès. Vous l’êtes peut-être déjà sans vous en douter.

albertus. Moi !… Qui pourrait donc m’aimer ?… (Brusquement.) Maître Jonathas, ne la nommez pas !… je vous le défends.

méphistophélès. Vous pensez que son nom serait profané dans ma bouche ? Vous êtes déjà bien amoureux, maître Albertus ?

albertus, troublé. Mais elle ne m’aime pas, elle ne m’aimera jamais…

méphistophélès. Elle vous aimera quand vous voudrez, et cet amour lui rendra la raison, la santé et la vie !

albertus. Et que faut-il donc faire pour qu’elle m’aime ?

méphistophélès. Il faut briser encore deux cordes à la lyre ; et, quand vous serez las d’aimer, ou effrayé de la force de votre amour, il ne tiendra qu’à vous d’en guérir sur-le-champ.

albertus. Comment cela ?

méphistophélès. En épousant Hélène et en brisant la dernière corde de la lyre ! (À part.) Il est à moi ! (Il disparaît.)

albertus, dans une sorte d’égarement. Dieu ! que l’empreinte de sa main est froide !… Ma vue est troublée… J’ai peine à retrouver mon chemin… Serait-il possible que la lyre ne fût pas brisée ?…