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les sept cordes de la lyre



Scène III — ALBERTUS, MÉPHISTOPHÉLÈS.


Méphistophélès, suivant Albertus, qui ne le voit pas. Où courez-vous si empressé et si agité, mon respectable maître ? Vous n’avez pas un regard, pas un simple signe de tête pour votre meilleur ami, ce matin.

Albertus.Toujours ce juif ! Il me suit comme un remords… Laissez-moi, monsieur, de grâce ! Je n’ai pas l’honneur d’être votre ami, et je n’ai pas de temps à perdre.

Méphistophélès, le suivant toujours et se plaçant près de lui. Je conçois votre inquiétude ; l’état d’Hélène vous afflige. Mais rassurez-vous, elle ne s’est jamais mieux portée.

Albertus, haussant les épaule Qu’en savez-vous ?

Méphistophélès. Vous ne pouvez pas douter que j’en sache plus long que vous sur bien des choses.

Albertus. Gardez votre science maudite ; elle ne m’a causé que trouble et désespoir.

Méphistophélès. Je m’étonne qu’un aussi grand philosophe se décourage pour un peu de souffrance. N’enseignez-vous pas tous les jours en chaire qu’il faut beaucoup souffrir pour arriver à la vérité ? qu’on ne saurait payer trop cher la conquête de la vérité ? que la vérité ne s’achète qu’au prix de nos sueurs, de nos larmes, de notre sang même ?…

Albertus. J’ai déjà beaucoup souffert depuis que je vous écoute, et, loin d’être arrivé à la vérité, il me semble que j’en suis plus éloigné que jamais. Le délire d’Hélène augmente, et rien ne m’explique les propriétés sympathiques de la lyre.