Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
les sept cordes de la lyre

Hélène. Je ne vois rien qu’une mer de poussière embrasée que percent çà et là des masses de toits couleur de plomb et des dômes de cuivre rouge où le soleil darde ses rayons brûlants ! Je n’entends rien qu’une clameur confuse, comme le bourdonnement d’une ruche immense, entrecoupé par instants de cris aigus et de plaintes lugubres !

L’esprit. Ce que tu vois, c’est l’empire de l’homme ; ce que tu entends, c’est le bruissement de la race humaine.

Hélène. Maintenant, je vois et j’entends mieux. Mes yeux percent ces nuages mouvants et distinguent les mouvements et les actions des hommes. Mes oreilles s’habituent à cette sourde rumeur, et saisissent les discours et les bruits que fait la race humaine.

L’esprit. N’est-ce pas un tableau magique et un concert imposant ? Vois quelle est la grandeur et la puissance de l’homme ! admire ses richesses si chèrement conquises, et les merveilles de son infatigable industrie ! Vois ces temples majestueux qui dressent, comme des géants, leurs têtes superbes sur ces masses innombrables de demeures élégantes ou modestes, accroupies à leurs pieds ! Vois ces coupoles resplendissantes, semblables à des miroirs ardents, ces obélisques effilés, ces sveltes colonnades, ces palais de marbre, où le soleil allume dans chaque vitre de cristal un diamant aux mille facettes ! Regarde ce fleuve qui se roule comme un serpent d’or et d’azur autour des flancs de la grande cité, tandis que des ponts de fer et de granit, ici bordés de blanches statues qui se mirent dans les ondes, là suspendus comme par magie à d’invisibles cordons de métal, s’élancent d’une rive à l’autre, tantôt en arcades de pierres fortes et massives,