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les sept cordes de la lyre

Océan. Les pâles couleurs du prisme lunaire dansent en cercle autour d’elle. Ses froides mers, ses vastes lacs, ses monts d’albâtre, ses crêtes neigeuses se découpent et se dessinent sur ses flancs glacés. Miroir limpide, création incompréhensible de la pensée infinie, paisible flambeau enchaîné au flanc de la terre ta souveraine, pourquoi répands-tu dans les abîmes du ciel cette plainte éternelle ? pourquoi verses-tu sur les habitants de la terre une influence si douce et si triste à la fois ? Es-tu un monde fini ou une création inachevée ? Pleures-tu sur une race éteinte, ou es-tu en proie aux douleurs de l’enfantement ? Es-tu la veuve répudiée ou la fiancée pudique du soleil ? Ta langueur est-elle l’épuisement d’une production consommée ? est-elle le pressentiment d’une conception fatale ? Redemandes-tu tes enfants couchés sur ton sein dans la poussière du sépulcre ? Prophétises-tu les malheurs de ceux que tu portes dans tes entrailles ? Ô lune ! lune si triste et si belle ! es-tu vierge, es-tu mère ? es-tu le séjour de la mort, es-tu le berceau de la vie ? Ton chant si pur évoque-t-il les spectres de ceux qui ne sont plus ou de ceux qui ne sont pas encore ? Quelles ombres livides voltigent sur tes cimes éthérées ? sont-elles dans le repos ou dans l’attente ? sont-ce des esprits célestes qui planent sur la tête triomphante ? sont-ce des esprits terrestres qui fermentent dans ton flanc et qui s’exhalent de tes volcans refroidis ?

hélène. Le son de la lyre est la seule manifestation de la pensée d’Hélène pour les oreilles humaines. Les pensées qu’elle exprime ici ne sont clairement comprises que par les esprits célestes. Pourquoi interroger l’astre, toi qui connais tous les secrets de l’infini ? Si le charme te lie à mes côtés, ne peux-tu