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les sept cordes de la lyre

feuillage : voici les gammes de soupirs harmonieux qui fuient sur la mousse argentée ; voici des flots de larmes mélodieuses qui tombent dans le calice des fleurs entr’ouvertes. Silence, oiseaux des bois ! Silence, insectes des longues herbes ; repliez vos ailes métalliques ! Silence, ruisseau jaseur ; ne heurte pas ainsi en cadence les cailloux de ton lit ! Silence, roseaux frissonnants ; dépliez sans bruit vos lourds pétales, lotus du rivage ! Alcyons pétulants, ne ridez pas ainsi le miroir où la lune veut se regarder ! Écoutez ce qu’elle vous chante, et vous lui répondrez quand elle vous aura pénétrés et remplis de sa voix et de sa lumière. Enivrez-vous en silence de sa plainte mélancolique ; buvez à longs traits son reflet humide ; courbez-vous avec crainte, avec amour sous le vol des anges blancs qui nagent dans le rayon oblique. Attendez, pour vous relever, qu’ils vous aient effleurés du bout de leurs ailes embaumées, et qu’ils aient confié tout bas à chaque oiseau, à chaque insecte, à chaque flot, à chaque branche, à chaque fleur, à chaque brin d’herbe, le thème de la grande symphonie que cette nuit la terre doit chanter aux astres.

hanz. Eh bien, maître, cette musique ne parle-t-elle pas à votre âme ?

albertus. Elle ne saurait parler à ma raison. Elle émeut en moi je ne sais quels instincts de contemplation ; mais par quels moyens, je l’ignore. Je ne saurais traduire ni ce que j’entends ni ce que j’éprouve ; et pourtant je prête toute mon attention.

wilhelm. Écoutez maintenant ! le rhythme change.

l’esprit de la lyre. Et maintenant elle est levée, elle règne, elle brille ! elle se baigne dans l’éther comme une perle immaculée au sein de l’immense