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les sept cordes de la lyre

hélène. Ne savez-vous pas un seul mot de la langue de Dieu ?

albertus. Étrange fille ! Son délire est plein d’une poésie inconnue ?

hanz. La lyre est suspendue aux branches de ce saule. Voulez-vous, Hélène, que je vous la présente ?

hélène. Hâte-toi : le ruisseau se moque du philosophe ; il élève la voix de plus en plus. (Hanz lui donne la lyre.)

albertus, à part. Elle ne s’aperçoit pas de l’absence des deux cordes.

hélène. Écoute, ruisseau, et soumets-toi ! (Elle touche la lyre. Au premier accord, le ruisseau s’arrête.)

albertus. Quel est ce nouveau prodige ? Voyez-vous ? la cascade reste immobile et suspendue au rocher comme une frange de cristal.

hélène. Coule, beau ruisseau, mais chante à demi-voix.

wilhelm. Le ruisseau reprend son cours, mais avec précaution, comme s’il craignait d’éveiller les fleurs endormies sur ses rives. (Hélène joue de la lyre.)

l’esprit de la lyre. Maintenant, la terre recueillie attend avec respect la voix de la lune qui vient regarder sa face assombrie. Écoute bien, fille de la lyre, apprends les secrets des planètes. Du fond de l’horizon, à travers les buissons noirs, voici venir une voix faible, mais d’une incroyable pureté, qui monte doucement dans l’air sonore. Elle monte, elle grandit ; les notes sont distinctes, le disque d’argent sort du linceul de la terre, la terre vibre, l’espace se remplit d’harmonie, les feuilles frémissent à la cime des arbres. La lueur blanche pénètre dans toutes les fentes du taillis, dans les mille et mille clairières du