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Cinquième veillée

et se sauvèrent dans un autre héritage qui dépendait du domaine de l’Aulnières, et où s’ébattait une troupe d’autres mules, toutes bien en point, réveillées comme souris et gambillant à la lune levante en vraie chasse à baudet, qui est, comme vous savez, la danse des bourriques du diable, quand les follets et les fades galopent dessus à travers les nuées.

Il n’y avait pourtant point là de magie, mais bien une grande fraude de pâture et un ravage abominable. La récolte n’était pas mienne, et j’aurais pu me dire que cela ne me regardait point ; mais je me sentais écoléré d’avoir couru pour rien après ces méchantes bêtes, et on ne peut voir saccager du beau froment du bon Dieu sans y avoir regret.

Je m’avançai donc dans cette grande pièce de blé sans voir âme chrétienne, mais voyant bien foisonner les mulets, et songeant d’en attraper quelqu’un qui pût me servir de témoignage, quand je viendrais à porter plainte du mal commis sur ma terre.

J’en avisai un qui me paraissait plus raisonnable que les autres, et quand je fus auprès, je vis que ce n’était point le même gibier, mais bien le petit cheval maigre qui avait une clochette au cou, laquelle clochette, comme j’ai su plus tard, s’appelle clairin, en pays bourbonnais, et donne le nom au cheval qui la porte. Ne sachant rien des usances du monde où je me trouvais, ce fut par grand hasard que je pris le bon moyen, qui fut de m’emparer du clairin et de l’emmener, sauf à accrocher un mulet ou deux ensuite, si je pouvais y aboutir.

La petite bête, qui paraissait mignonne et bien privée, se laissa caresser et emmener sans souci de rien ; mais, dès qu’elle se mit à marcher, son clairin se mettant à sonner, grande fut ma surprise de voir accourir toutes les mules, éparses emmi les blés, lesquelles volèrent après moi comme les abeilles après leur reine. Par là je vis qu’elles étaient dressées à suivre le