Troisième veillée
Je remontai la côte et pris le chemin que j’avais vu prendre à Joseph. Je m’enquis de lui le long de la route et n’en eus point nouvelles, sinon qu’on l’avait bien vu passer, mais non revenir. Ça me mena jusqu’au droit de la forêt, où j’allai questionner le forestier, dont la maison, qui est une pièce fort ancienne, surmonte un grand morceau de brande couché en pente. C’est un endroit bien triste, malgré qu’on y voie de loin, et où il ne pousse, à la lisière des taillis de chêne, que de la fougère et des ajoncs.
Le garde forestier était, dans ce temps-là, Jarvois, mon parrain, natif de Verneuil. Sitôt qu’il me vit, comme je n’allais pas souvent me promener si loin, il me fit tant de fête et d’amitié qu’il n’y eût pas moyen de s’en aller.
— Ton camarade Joseph est venu céans, il y a tantôt une heure, me dit-il, pour nous demander si les charbonniers étaient dans la forêt ; sans doute que son maître lui aura commandé de s’en enquérir. Il n’était ni dérangé en paroles, ni mal porté sur ses jambes, et il a monté jusqu’au gros chêne. Tu n’as donc point à t’en inquiéter, et puisque te voilà, il faut boire une bouteille avec moi et attendre que ma femme revienne de quérir ses vaches, car elle serait fâchée si tu partais sans l’avoir vue.
N’ayant plus sujet de me tourmenter, je restai chez mon parrain jusque vers le coucher du soleil. C’était environ la mi-février, et, voyant venir la nuit, je fis mes adieux et pris le chemin d’en sus, afin de gagner Verneuil et de m’en retourner tout droit chez nous par la route aux Anglais, sans repasser par Saint-Chartier où je n’avais plus que faire.
Mon parrain m’expliqua un peu mon chemin, car je