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Les Maîtres Sonneurs

sur la place entre la messe et les vêpres, je lui demandai de l’accompagner.

— Non, me dit-elle, j’y vas avec mon grand-père, et il n’aime pas à me voir suivie sur les chemins par un tas de galants.

— Je ne suis point un tas de galants, lui dis-je, je suis ton cousin, et jamais mon oncle ne m’a ôté de son chemin.

— Eh bien, reprit-elle, ôte-toi du mien, pour aujourd’hui seulement ; mon père et moi nous voulons causer avec Joset, qui est là dans la maison et qui doit nous suivre à la messe.

— C’est donc qu’il vient vous demander en mariage, et que vous êtes bien aise de l’écouter ?

— Est-ce que tu es fou, Tiennet ? Après ce que je t’ai dit de Joset ?

— Tu m’as dit qu’il avait une maladie qui le ferait vivre plus longtemps qu’un autre, et je ne vois pas en quoi ça peut me tranquilliser.

— Te tranquilliser de quoi ? fit Brulette étonnée. Quelle maladie ? Où as-tu égaré tes esprits ? Allons, je crois que tous les hommes sont fous !

Et, prenant le bras de son grand-père qui venait à elle avec Joseph, elle partit légère comme un duvet et gaie comme une fauvette, tandis que mon brave homme d’oncle, qui ne voyait rien au-dessus d’elle, souriait aux passants et avait l’air de leur dire : « Ce n’est pas vous qui avez une fille pareille à montrer ! »

Je les suivis de loin pour voir si Joseph se familiariserait avec elle en chemin, s’il lui prendrait le bras, si le vieux les laisserait aller ensemble. Il n’en fut rien. Joseph marcha tout le temps à la gauche de mon oncle, tandis que Brulette marchait à droite, et ils avaient l’air de causer sérieusement.

À la sortie de la messe, je demandai à Brulette de danser avec moi.

— Oh ! tu t’y prends bien tard, me dit-elle, j’ai