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marché. Et comme il n’y épargna rien et y invita au moins deux cents personnes, il y fut pour une grosse somme, de laquelle il ne marqua jamais aucun regret.

Le carme nous avait fait trop bonne promesse pour y manquer, d’autant plus que son père prieur l’ayant mis à l’eau pendant un mois pour sa pénitence, le jour de nos noces fut celui où l’interdit était levé de son gosier. Il n’en abusa point, et se comporta d’une manière si aimable, que nous fîmes tous avec lui la même amitié qu’il y avait entre lui, Huriel et Benoît.

Joseph alla bien courageusement jusqu’au jour des noces. Le matin, il fut pâle et comme accablé de réflexions ; mais, en sortant de l’église, il prit la musette des mains de mon beau-père et joua une marche de noces qu’il avait composée, la nuit même, à notre intention. C’était une si belle chose de musique, et il y fut donné tant d’acclamation, que son chagrin se dissipa, qu’il sonna triomphalement ses plus beaux airs de danse et se perdit dans son délice tout le temps que dura la fête.

Il nous suivit ensuite au Chassin, et là, le grand bûcheux, ayant réglé toutes nos affaires : — Mes enfants, vous voilà heureux et riches pour des gens de campagne ; je vous laisse l’affaire de cette futaie, qui est une belle affaire, et tout ce que je possède d’ailleurs est à vous. Vous allez passer ici quasiment le reste de l’année, et vous déciderez, pendant ce temps-là, de vos plans de campagnes pour l’avenir. Vous êtes de pays différents et vous avez des goûts et des habitudes divers. Essayez-vous à la vie que chacun de vous doit procurer à sa femme pour la rendre heureuse de tous points et ne lui pas faire regretter des unions si bien commencées. Je reviendrai dans un an. Tâchez que j’aie deux beaux petits enfants à caresser. Vous me direz alors ce que vous aurez réglé. Prenez votre temps, telle chose paraît bonne aujourd’hui qui paraît pire ou meilleure le lendemain.