Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/436

Cette page n’a pas encore été corrigée

choisissez le plus fort d’entre vous et vous lui laissez des armes cachées dont il cherche à crever les yeux et percer les veines. Voyez ! ce jeune homme est abîmé, et, dans la colère où l’avait mis votre méchanceté, il s’y serait fait tuer, si nous ne l’eussions arrêté. Qu’en auriez-vous fait alors ? Vous l’eussiez donc jeté en cette caverne d’oubli, où ont péri tant d’autres pauvres malheureux dont les ossements devraient se redresser pour vous reprocher d’être aussi méchants que vos anciens seigneurs ?

Cette parole d’Huriel me rappela l’apparition que j’avais oubliée, et je me retournai pour voir si son invocation l’attirerait à lui. Je ne la vis plus, et pensai à trouver le chemin du caveau d’en bas, où, d’un moment à l’autre, je sentais bien devoir être utile à mes amis.

Je trouvai tout de suite l’escalier et le descendis, jusqu’à l’entrée, ou je ne songeai même pas à me tenir caché, tant il y avait là de dispute et de confusion, qui ne permettaient pas de faire attention à moi.

Le grand bûcheux avait ramassé la casaque de peau de bête, et montrait comme quoi elle était garnie de pointes, comme une carde à étriller les bœufs, et les mitaines que ce faux diable portait encore avaient, à la paume des mains, de bons clous bien assujettis, la pointe en dehors. Les autres étaient furieux de se voir blâmer devant Joseph. — Voilà bien du bruit pour des égratignures, disait Carnat. N’est-il point dans l’ordre que le diable ait des ongles ! et cet innocent, qui l’a attaqué sans prudence, ne savait-il point qu’on ne joue pas avec lui sans s’y faire échaffrer un peu le museau ? Allons, allons, ne le plaignez point tant, ce n’est rien ; et puisqu’il en a assez, qu’il se retire et confesse qu’il n’est point de force à se divertir avec nous ; partant, qu’il ne saurait être de notre compagnie en aucune manière.

— J’en serai ! dit Joseph, qui, en s’arrachant des