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Les Maîtres Sonneurs

de plus. L’homme était en train d’allégir le poids, en posant sur le chemin une partie de son chargement, ce que voyant mon père :

— Descends, me dit-il, et secourons le prochain dans l’embarras.

L’homme nous remercia de notre offre, et comme parlant à sa charrette :

— Allons, petite, éveille-toi, dit-il ; j’aime autant que tu ne risques point de verser.

Alors, je vis se lever, de dessus un matelas, une jolie fille qui me parut avoir quinze ou seize ans, à première vue, et qui demanda, en se frottant les yeux, ce qu’il y avait de nouveau.

— Il y a que le chemin est mauvais, ma fille, dit le père en la prenant dans ses bras ; viens, et ne te mets point les pieds dans l’eau ; car vous saurez, dit-il à mon père, qu’elle est malade de fièvre pour avoir poussé trop vite en hauteur ; voyez quelle grande vigne folle, pour une enfant d’onze ans et demi !

— Vrai Dieu, dit mon père, voilà un beau brin de fille, et jolie comme un jour, encore que la fièvre l’ait blêmie. Mais ça passera, et avec un peu de nourriture, ça ne sera pas d’une mauvaise défaite.

Mon père, parlant ainsi, avait la tête encore remplie du langage des maquignons en foire. Mais, voyant que la jeune fille avait laissé ses sabots sur la charrette, et qu’il n’était point aisé de les y retrouver, il m’appela, disant :

— Tiens, toi ! tu es bien assez fort pour tenir cette petite un moment.

Et, la mettant dans mes bras, il attela notre jument à la place de l’âne bourdi, et sortit la charrette de ce mauvais pas. Mais il y en avait un second, que mon père connaissait pour avoir suivi plusieurs fois le chemin, et, me faisant appel de continuer, il marcha en avant avec l’autre paysan qui tirait son âne par les oreilles.