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VINGT-NEUVIÈME VEILLÉE


Un dimanche, c’était celui du dernier ban de Brulette, le grand bûcheux et son fils qui, dès le matin, m’avaient paru se consulter secrètement, s’en allèrent ensemble, disant qu’une affaire regardant le mariage les appelait à Nohant. Brulette, qui savait bien où en étaient les préparatifs de sa noce, s’étonna qu’ils y fissent tant de diligence inutile, ou qu’on ne la mît point de la partie. Elle fut même tentée de bouder Huriel, qui annonçait d’être absent pour vingt-quatre heures ; mais il ne céda point et sut la tranquilliser, lui laissant penser qu’il ne la quittait que pour s’occuper d’elle, et lui ménager quelque belle surprise.

Cependant, Thérence, que mes yeux ne quittaient guère, me paraissait faire effort pour cacher son inquiétude, et, dès que son père et Huriel furent partis, elle m’emmena dans le petit parc, où elle me parla ainsi :

— Tiennet, je suis tourmentée, et ne sais quel remède y trouver. Écoutez ce qui se passe, et dites-moi ce que nous pourrions faire pour empêcher des malheurs. La nuit dernière, ne dormant point, j’ai entendu mon frère et mon père faire accord de s’en aller au secours de Joseph, et, dans leur entretien, voilà ce que j’ai compris : Joseph, encore que très-mal accueilli par tous les ménétriers du canton, auxquels il s’est présenté pour réclamer le concours, s’est obstiné à vouloir recevoir d’eux la maîtrise, chose qu’en somme ils ne lui peuvent refuser ouvertement, sans avoir mis ses talents à l’épreuve.

» Il s’est trouvé que le fils Carnat devait être reçu en la place de son père, qui se retire du métier, par la corporation, aujourd’hui même, si bien que Joseph vient là, troubler une chose qui ne devait pas être contestée, et qui était promise et assurée d’avance.