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d’aise quand elle me disait, de son air sérieux, et sans fausse retenue :

— Vraiment, Tiennet, vous avez trop bon cœur. Ou bien : — Tiennet, vous prenez pour moi tant de peine, que je voudrais avoir à en prendre pour vous dans l’occasion.

Un jour qu’elle me parlait en cette manière, devant les autres bûcheux, l’un d’eux, qui était un beau garçon bourbonnais, observa, à moitié voix, qu’elle me gratifiait d’un grand intérêt.

— Certainement, Léonard, lui répondit Thérence en le regardant d’un air assuré. Je lui porte l’intérêt que je dois à sa complaisance pour moi et à son amitié pour les miens.

— Est-ce que vous croyez, reprit Léonard, qu’on n’agirait pas aussi bien que lui, si on croyait être payé de même ?

— Je serais juste avec tout le monde, répliqua-t-elle, si j’avais le goût ou le besoin des complaisances de tout le monde ; mais cela n’est point, et, de l’humeur dont je suis, l’amitié d’une seule personne me contente.

J’étais assis sur le gazon, auprès d’elle, tandis qu’elle parlait ainsi, et je pris sa main dans la mienne, sans oser plus que de l’y retenir un petit moment. Elle me la retira, mais non sans me l’appuyer, en passant, sur l’épaule, en signe de confiance et de parenté d’âme.

Pourtant les choses duraient ainsi, et je commençais à souffrir grandement de ma retenue avec elle, d’autant que les amours d’Huriel et de Brulette étaient si tendres et si heureuses, que cela troublait le cœur et l’esprit. Leur beau jour approchait, et je ne voyais pas venir le mien.