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Seulement, il me sembla bien qu’elle n’était pas mécontente de me voir quitter si gaiement pays et famille pour la suivre, et que, si elle ne m’attirait pas, elle ne me repoussait pas non plus.

Au moment où le vieux Brulet et les femmes, avec Charlot, montaient sur la voiture, Brulette étant fière de s’en aller avec un si bel amoureux, à la barbe de tous les amoureux qui l’avaient méconnue, le carme vint comme pour nous dire adieu, et ajouta pour les oreilles des curieux : — Au fait, je vas de votre côté, et ferai un bout de chemin avec vous.

Il monta auprès du père Brulet, et au bout d’une lieue, dans un chemin couvert, il fit arrêter. Huriel conduisait son clairin, qui était aussi bon au tirage qu’au transport, et nous marchions un peu en avant, le grand bûcheux et moi. Voyant la voiture retardée, nous retournâmes, pensant que ce fût quelque accident, et vîmes Brulette tout en pleurs, embrassant Charlot, qui s’attachait à elle en faisant de grands cris, parce que le carme le voulait emporter. Huriel intercédait pour qu’on s’y prît autrement, car il était si peiné du chagrin de Brulette, que, pour un peu, il aurait pleuré aussi.

— Qu’y a-t-il donc ? dit le grand bûcheux, et pourquoi, ma fille, voulez-vous vous départir de ce pauvre enfant ? Est-ce donc la suite de votre idée de l’autre jour ?

— Non, mon père, répondit Brulette. Ce sont ses véritables parents qui le réclament, et c’est pour son bien. Le pauvre petit ne comprend pas cela, et moi, encore que je le comprenne, le cœur me manque. Mais comme il y a des raisons pour que la chose se fasse sans retard, donnez-moi du courage, au lieu de m’en ôter.

Et, tout en parlant de courage, elle n’en avait point contre les pleurs et les caresses de Charlot, car elle était arrivée à l’aimer d’une grande tendresse, et il