ne craindre personne. J’aurais bien voulu être aussi assuré de ma chance auprès de sa sœur, et, en plantant mon bouquet, le cœur me battait comme si je l’eusse sentie derrière la porte, toute prête à me le jeter à la figure.
Aussi devins-je pâle quand cette porte s’ouvrit ; mais ce fut Brulette qui parut la première, donna le baiser du matin au grand bûcheux, une poignée de main à moi, et montra une mine tout enrougie d’aise à Huriel, à qui elle n’osa cependant rien dire.
— Oh oh ! mon père, dit Thérence, arrivant aussi et embrassant bien fort le grand bûcheux, vous avez donc fait le jeune homme toute la nuit ? Allons, entrez, que je vous fasse déjeuner. Mais, auparavant, laissez-moi regarder ces bouquets. Trois, Brulette ? oh ! comme vous y allez, mignonne ! Est-ce que cette procession-là va durer tout le matin ?
— Deux seulement pour Brulette, répondit Huriel ; le troisième est pour toi, ma sœur. Et il lui montra mon cerisier, si chargé de fleurs, qu’il avait déjà fait une pluie blanche sur le seuil de la porte.
— Pour moi ? dit Thérence étonnée. C’est donc toi, frère, qui as craint de me rendre jalouse de Brulette ?
— Un frère n’est pas si galant que ça, dit le grand bûcheux. N’as-tu donc aucune doutance d’un amoureux craintif et discret, qui serre les dents au lieu de se déclarer ?
Thérence regarda autour d’elle, comme si elle cherchait quelque autre que moi, et, quand elle arrêta ses yeux noirs sur ma figure déconfite et sotte, je crus qu’elle allait rire, ce qui m’eût percé le cœur. Mais elle n’en fit rien, et rougit même un si peu. Puis, me tendant la main bien franchement : — Merci, Tiennet fit-elle. Vous avez voulu me marquer votre souvenir, et je l’accepte, sans plus m’en faire accroire qu’il ne faut pour un bouquet.
— Eh bien, dit le grand bûcheux, si tu l’acceptes,