Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/366

Cette page n’a pas encore été corrigée

Eh bien, marchez, Huriel ! Demandez en paroles, moi je demanderai en musique, et nous verrons si on est trop engagé avec vous pour ne pas se retourner de mon côté. Voyons, allez-y franchement, vous qui me reprochez d’y aller de travers ! Nous voilà à deux de jeu, nous n’avons pas besoin de nous déguiser. Une belle maison n’a pas qu’une porte, et nous frapperons chacun à la nôtre.

— Je le veux bien, répondit Huriel ; mais vous ferez attention à une chose, c’est que je ne veux plus de reproches, ni sérieux, ni moqueurs. Si j’oublie ceux que j’aurais à vous faire, ma douceur n’ira pas jusqu’à souffrir ceux que je ne mérite pas.

— Je veux savoir ce que vous me reprochez ! fit Joseph, à qui le trouble de sa bile ôtait la souvenance.

— Je vous défends de le demander, et je vous commande de vous en aviser vous-même, répondit le grand bûcheux. Quand vous échangeriez quelque mauvais coup avec mon fils, vous n’en seriez pas plus blanc pour cela, et vous n’auriez pas sujet d’être bien fier, si je vous retirais le pardon que, sans rien dire, mon cœur vous a accordé !

— Mon maître, s’écria Joseph, très-échauffé d’émotion, si vous avez cru avoir quelque pardon à me faire, je vous en remercie ; mais, dans mon idée, je ne vous ai pas fait d’offense. Je n’ai jamais songé à vous tromper, et si votre fille avait voulu dire oui, je n’aurais pas reculé devant mon offre ; c’est une fille sans pareille pour la raison et la droiture ; je l’aurais aimée, mal ou bien, mais sincèrement et sans trahison. Elle m’eût peut-être sauvé de bien des torts et de bien des peines ! mais elle ne m’en a pas trouvé digne. Or donc, je suis libre, à cette heure, de rechercher qui me plaît, et je trouve que celui qui avait ma confiance et me promettait son secours s’est bien dépêché de profiter d’un moment de dépit pour me vouloir supplanter.

— Ce moment de dépit a duré un mois, Joseph,