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Première veillée


contre-coup, qui étions à sa suite et patientions avec lui.

Enfin, le jour de la première communion arriva, et, en revenant de la messe, j’avais fait si ferme propos de ne me point laisser aller à mes vacarmes, que je suivis Brulette chez son grand-père, comme le plus raisonnable exemple qui me pût retenir.

Tandis qu’elle allait, par commandement de la Mariton, tirer le lait de sa chèvre, nous étions restés, Joseph et moi, dans la chambre où mon vieux oncle causait avec sa voisine.

Nous étions occupés à regarder les images de dévotion que le curé nous avait données en souvenir du sacrement, ou, pour mieux dire, je les regardais seul, car Joseph songeait d’autre chose, et les maniait sans les voir. Or, on ne faisait plus attention à nous, et la Mariton disait à son vieux voisin, à propos de notre première communion :

— Voilà une grande affaire gagnée, et, à cette heure, je pourrai louer mon gars. C’est ce qui me décide à faire ce que je vous ai dit.

Et comme mon oncle secouait la tête tristement, elle reprit :

— Écoutez une chose, voisin. Mon Joset n’a point d’esprit. Oh ça, tant pis, je le sais bien ; il tient de défunt son pauvre cher homme de père, qui n’avait pas deux idées par chaque semaine, et qui n’en a pas moins été un homme de bien et de conduite. Mais c’est tout de même une infirmité que d’avoir si peu de suite dans le raisonnement, et quand, par malheur avec ça, on tombe dans le mariage avec une tête folle, tout va au plus mal en peu de temps. C’est pourquoi je m’avise, à mesure que mon garçon grandit par les jambes, que ce n’est point sa cervelle qui le nourrira, et que, si je lui laissais quelques écus, je mourrais plus tranquille. Vous savez le bien que fait une petite épargne. Dans nos pauvres ménages, ça sauve tout. Je n’ai jamais