de bonne foi sans pareille, et qui la faisait bien différer de la retenue et craintive Brulette, je ne vous apprendrai rien en vous disant que l’an passé, avant votre visite chez nous, je m’étais attachée à un pauvre garçon triste et souffrant de son corps, comme une mère s’attache à son enfant. Je ne le savais pas encore épris d’une autre, et lui, voyant mon amitié, dont je ne me cachais point, n’avait pas le courage de me dire que j’en serais mal payée. Pourquoi Joseph, car je peux bien le nommer, et vous voyez, mes amis, que ça ne me fait point changer de couleur, pourquoi Joseph, à qui j’avais tant demandé, dans ses défaillances de maladie, de me dire la cause de ses peines, m’avait-il juré n’en avoir point d’autre que le regret de sa mère et de son pays ? Il me jugeait donc lâche et me faisait injure, car s’il se fût ouvert à moi, c’est moi qui aurais été chercher Brulette, sans sourciller, et sans tomber dans le tort de prendre une mauvaise opinion d’elle, comme cela m’est arrivé, dont je me confesse et lui demande pardon.
— Tu l’as déjà fait, Thérence, et il n’y a rien à pardonner quand l’amitié y est déjà.
— Oui, mon enfant, reprit Thérence, mais le tort que tu oublies, je n’en ai pas moins gardé souvenance, et, pour tout au monde, j’aurais voulu le réparer auprès de Joseph en lui conservant mes soins, mon amitié, ma bonne humeur après ton départ. Songez, mes amis, que je n’avais jamais menti, moi, et que, dès mon plus jeune âge, mon père, qui s’y connaît, m’avait surnommée Thérence la sincère. Quand, sur les bords de votre Indre, la dernière fois que je vous vis, à moitié chemin de chez vous, je parlai seule à seul un moment avec Joseph, le priant de revenir chez nous et lui promettant que rien ne serait changé dans mon intérêt pour son repos et sa santé, pourquoi a-t-il refusé, dans son cœur, de me croire ? Et pourquoi, me promettant, des lèvres, de revenir, mensonge dont je ne fus point dupe, se retira-t-il de moi pour toujours en me méprisant,