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ce qui mit Joseph en si grande joie, qu’il lui serra les mains en lui disant avec un courage dont je ne l’aurais pas cru capable, qu’il n’y avait qu’un musicien pour être digne de son amitié.

— Le fait est, dit Brulette, qui songeait à Huriel, que si j’avais un bon ami, je le souhaiterais beau sonneur et beau chanteur.

— Il est rare d’être l’un et l’autre, reprit Joseph. La sonnerie casse la voix, et sauf le grand bûcheux…

— Et son fils ! dit Brulette, parlant à l’étourdie.

Je lui poussai le coude, et elle voulut parler d’autre chose ; mais Joseph, qui n’était pas sans être mordu de jalousie, revint sur la chanson.

— Je crois, dit-il, que quand le père Bastien l’a mise en paroles, il a songé à trois garçons de notre connaissance ; car je me souviens d’une causerie que nous avons eue avec lui à souper, le jour de votre arrivée dans les bois.

— Je ne m’en souviens pas, dit Brulette en rougissant.

— Si fait moi, reprit Joseph. On parlait de l’amour des filles, et Huriel disait que cela ne se gagnait point à croix ou pile. Tiennet assurait, en riant, que la douceur et la soumission ne servaient de rien, et que, pour être aimé, il fallait plutôt se faire craindre que d’être trop bon. Huriel reprit pour contredire Tiennet, et moi j’écoutai sans parler. Ne serait-ce pas moi, celui qui porte la rose ? le plus jeune des trois ? Il aime, mais il n’ose ? Dites donc le dernier couplet, Brulette, puisque vous le savez si bien ! N’y a-t-il pas : On donne à qui demande ?

— Puisque tu le sais aussi bien que moi, dit Brulette un peu piquée, retiens-le pour le chanter à la première bonne amie que tu auras. S’il plaît au grand bûcheux de mettre en chansons les discours qu’il entend, ce n’est pas à moi d’en tirer la conséquence. Je n’y entends encore rien pour ma part. Mais j’ai les fourmis dans