qu’au jugement de Dieu ou du diable, selon qu’on est bien ou mal intentionné.
Quand je regagnai les loges, le soleil était levé ; le grand bûcheux était parti pour son ouvrage, Joseph dormait encore, Thérence et Brulette causaient ensemble sous le hangar. Elles me demandèrent pourquoi je m’étais levé si matin, et je vis que Thérence était inquiète de ce que j’avais pu voir et apprendre. Je fis comme si je ne savais rien, et comme si je n’avais pas quitté le bois de l’Alleu.
Joseph vint bientôt nous rejoindre, et j’observai qu’il avait beaucoup meilleure mine qu’à notre arrivée.
— Je n’ai pourtant guère dormi, répondit-il, je me suis senti agité jusqu’à l’approche du jour ; mais je crois que c’est parce que la fièvre, qui m’a tant accablé, m’a enfin quitté depuis hier soir, car je me sens plus fort et plus dispos que je ne l’ai été depuis longtemps.
Thérence, qui se connaissait à la fièvre, lui questionna le pouls, et la figure de cette belle, qui était bien fatiguée et abattue, s’éclaircit tout d’un coup.
— Allons ! dit-elle, le bon Dieu nous envoie au moins ce bonheur, que voilà un malade en bon chemin pour guérir. La fièvre est partie et les forces du sang reviennent déjà.
— S’il faut que je vous dise ce que j’ai senti, reprit Joseph, ne dites pas que c’est une songerie ; mais voici la chose. D’abord, apprenez-moi si Huriel est parti sans blessure, et si l’autre n’en a pas plus qu’il ne faut. Avez-vous reçu des nouvelles du bois de Chambérat ?
— Oui, oui, répliqua vivement Thérence. Tous deux sont partis pour le haut pays. Dites ce que vous alliez dire.
— Je ne sais pas trop si vous le comprendrez, vous deux, reprit Joseph, s’adressant aux jeunes filles, mais voilà Tiennet qui l’entendra bien. En voyant hier notre Huriel se battre si résolûment, les jambes m’ont manqué, et, me sentant plus faible qu’une femme,