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moins emporté, et, à présent, je suis aussi tranquille que si je n’y avais jamais songé. Je sais le secret du cœur de cette belle ; je trouve qu’elle a fait le bon choix, et j’en suis content. Adieu donc, mon Huriel, que le bon Dieu t’assiste et que l’espérance t’aide à oublier cette mauvaise nuit !

Nous nous donnâmes l’accolade du départ, et je m’enquis du lieu où il se rendait.

— Je m’en vas, dit-il, jusqu’aux montagnes du Forez. Fais-moi écrire au bourg d’Huriel, qui est mon lieu de naissance et où nous avons des parents établis. Ils me feront passer tes lettres.

— Mais pourras-tu voyager si loin avec cette plaie à la tête ? N’est-elle point dangereuse ?

— Non, non, dit-il, ce n’est rien, et j’aurais souhaité que l’autre eût la tête aussi dure que moi !

Quand je me trouvai seul, je m’étonnai de tout ce qui était advenu en la forêt sans que j’en eusse ouï ou surpris la moindre chose. D’autant plus que, repassant, au grand jour, sur la place de la danse, je vis que, depuis le minuit, on était revenu faucher l’herbe et piocher la terre pour enlever toute trace du malheur qui y était arrivé. Ainsi, d’une part, on était venu, par deux fois, raccommoder les choses en cet endroit ; de l’autre, Thérence avait communiqué avec son frère, et, au milieu de tout cela, on avait pu faire un enterrement, sans que, malgré la nuit claire et le silence des bois, en les suivant dans toute leur longueur et en prêtant grande attention, j’eusse été averti par la moindre apparence et le moindre souffle. Cela me donna bien à penser sur la différence des habitudes et partant des caractères, entre les gens forestiers et les laboureurs des pays découverts. Dans les plaines, le bien et le mal se voient trop pour qu’on n’apprenne pas, de bonne heure, à se soumettre aux lois et à se conduire suivant la prudence. Dans les forêts, on sent qu’on peut échapper aux regards des hommes, et on ne s’en rapporte