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— C’est là, dis-je à Huriel, ce que je dois rapporter à Brulette, est-ce pas ?

— Non, répondit Huriel, avec une grande assurance ; à moins que Joseph ne soit si bien guéri de son amour et de sa maladie qu’il puisse renoncer à elle. J’aime Joseph autant que vous l’aimez, mes bons enfants ; et d’ailleurs, il m’a fait ses confidences, il m’a pris pour son conseil et son soutien ; je ne le veux pas tromper, ni contrecarrer.

— Mais Brulette ne veut pas de lui pour amant et mari, et peut-être vaudrait-il mieux qu’il le sût le plus tôt possible. Je me chargerais bien de le raisonner, si les autres n’osaient, et il y a chez vous une personne qui pourrait rendre Joseph heureux, tandis qu’il ne le sera point par Brulette. Il aura beau attendre, plus il se flattera, plus le coup lui paraîtra dur à porter : au lieu que, s’il ouvrait les yeux sur la véritable attache qu’il peut trouver ailleurs…

— Laissons cela, répondit Huriel en fronçant un peu le sourcil, ce qui lui fit faire la grimace d’un homme qui souffre d’un grand trou à la tête, comme il l’avait justement tout frais sous son mouchoir rouge : toutes choses sont en la main de Dieu ; et, dans notre famille, personne n’est pressé de faire son bonheur aux dépens de celui des autres. Il faut, quant à moi, que je parte, car je répondrais trop mal aux gens qui me demanderaient où a passé Malzac, et pourquoi on ne le voit plus au pays. Écoute seulement encore un mot sur Brulette et sur Joseph. Il est bien inutile de leur dire le malheur que j’ai fait. Excepté les muletiers, il n’y a que mon père, ma sœur, le moine et toi qui sachiez que quand l’homme est tombé, c’était pour ne plus se relever. Je n’ai eu que le temps de dire à Thérence tout bas : « Il est mort ; il faut que je quitte le pays. » Maître Archignat en a dit autant à mon père ; mais les autres bûcheux n’en savaient rien et ne souhaitaient point le savoir. Le moine lui-même n’y aurait vu que du feu,