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à s’ennuyer de moi et à m’avertir qu’il en avait assez.

N’ayant qu’un bâton pour défense, et ne connaissant d’ailleurs point la manière d’avoir raison d’une pareille bête, je quittai la partie, et revins sur mes pas, un peu inquiet que ce sanglier ne s’imaginât, par honnêteté, de me vouloir faire la conduite.

Par bonheur, il n’y songea point, et je remontai jusqu’au premier chemin, d’où, à tout hasard, je tirai du côté qui conduisait à l’entrée du bois de Chambérat, où nous avions fait la fête.

Encore que dérouté, je ne voulus point renoncer à mon idée, car Thérence pouvait aussi bien que moi faire rencontre d’une bête sauvage, et je ne pense point qu’elle sût des paroles pour s’en faire écouter.

Je connaissais déjà assez la forêt pour ne m’y point perdre longtemps, et je gagnai l’endroit de la danse. Il me fallut quelques moments pour m’assurer que c’était bien la même clairière, car j’avais compté y retrouver ma ramée que je n’avais pas pris le temps d’enlever, non plus que les ustensiles dont je l’avais garnie, et j’en trouvai la place aussi nette que si elle n’y eut jamais été.

Cependant, en y regardant bien, je reconnus l’endroit où j’avais enfoncé les pieux, et celui où les pieds des danseurs avaient brûlé le gazon.

Je voulus me remettre en route vers le côté par où les muletiers avaient emmené Huriel et emporté Malzac ; mais j’eus beau chercher à m’en souvenir, j’avais été si empêché de mes esprits dans ce moment-là, que je ne pus m’en faire une idée. Force me fut d’aller à l’aventure, et je marchai ainsi toute la nuit, bien las, comme vous pouvez croire, m’arrêtant souvent pour écouter, et n’entendant que les chevêches qui criaient dans les arbres, ou quelque pauvre lièvre qui avait plus peur de moi que moi de lui.

Encore que le bois de Chambérat ne fît, dans ce