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— Allons, allons, rentrez vos pleurs et vous endormez, disait Thérence d’un ton décidé. Les larmes ne servent de rien, et, je vous l’ai dit, il faut que j’y aille ; si vous réveillez mon père, qui ne le sait point blessé, il voudra y aller, et ça peut le compromettre dans une mauvaise affaire, au lieu que moi, je n’y risque rien.

— Vous me faites peur, Thérence ; comment irez-vous toute seule trouver ces muletiers ? Tenez, ils m’effrayent toujours beaucoup, et pourtant j’y veux aller avec vous. Je le dois, puisque c’est moi qui suis la cause de la bataille. Nous appellerons Tiennet…

— Non pas ! non pas ! ni vous, ni lui ! Les muletiers ne regretteront pas Malzac s’il en meurt ; bien au contraire : mais s’il avait été mis à mal par quelqu’un qui ne fût pas de leur corps, et surtout par un étranger, à l’heure qu’il est votre ami Tiennet serait en mauvaise passe. Laissez-le donc dormir ; c’est assez qu’il ait voulu s’en mêler, pour qu’il fasse bien, à présent, de se tenir tranquille. Quant à vous, Brulette, sachez bien que vous y seriez mal reçue, puisque vous n’avez pas, comme moi, un intérêt de famille qui vous y attire, et où personne, chez eux, ne s’avisera de me contrecarrer. Ils me connaissent tous, et ne craignent pas que je sois de trop dans leurs secrets.

— Mais, croyez-vous donc les trouver encore dans la forêt ? Votre père n’a-t-il pas dit qu’ils s’en allaient dans le haut pays et ne passeraient pas la nuit dans les environs ?

— Il faut toujours qu’ils y restent le temps de panser les blessés ; mais si je ne les trouvais plus, je serais tranquille ; car ce serait la preuve que mon frère n’a que peu de mal, et qu’il aurait pu se mettre en route avec eux tout de suite.

— Est-ce que vous l’avez vue, cette blessure ? dites, ma chère Thérence, ne me cachez rien !

— Je ne l’ai pas vue : on ne voyait rien ; il disait