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avec une tranquillité qu’il n’avait guère dans le cœur et qui faisait de la peine à voir.

Malzac, petit et maigre, n’était pas aussi fort qu’Huriel, mais il était plus vif de ses mouvements et connaissait mieux la bataille ; car Huriel, encore qu’adroit au bâton, était d’un naturel si bon, qu’il avait eu bien peu souvent l’occasion de s’en servir.

Voilà ce qu’il me fut dit pendant qu’ils commençaient à se tâter, et j’avoue que le cœur me battait fort, autant de crainte pour Huriel que de colère contre son ennemi.

Pendant deux ou trois minutes, qui me parurent des heures d’horloge, aucun coup ne porta, étant bien paré de part et d’autre ; enfin, on commença à entendre que le bois ne frappait plus toujours le bois, et le bruit sourd que faisaient ces bâtons sur les corps qu’ils rencontraient me donnait, chaque fois, comme une sueur froide. Dans notre pays, on ne se bat jamais comme cela, dans les règles, avec d’autres armes que les poignets, et je confesse que je n’avais pas l’esprit endurci à l’idée des têtes fendues et des mâchoires brisées. Jamais temps ne m’a paru plus long et souffrance pire que dans cette occasion-là. Avoir Malzac si adroit, je tremblais de peur pour moi aussi peut-être ; mais, en même temps, j’avais tant de rage de ne pouvoir m’en mêler, que, si on ne m’eût retenu, je me serais jeté au milieu.

La chose me faisait dégoût, malice et pitié, et pourtant, j’ouvrais la bouche et les yeux pour n’en rien perdre, car le vent secouait les torches, et, par moments, on ne voyait quasi plus rien qu’un moulinet blanchâtre autour des batailleurs ; mais, voilà que l’un des deux fit entendre un soupir comme celui d’un arbre cassé en deux par un coup de vent, et roula dans la poussière.

Lequel était-ce ? Je ne voyais plus, j’avais des orblutes dans les yeux ; mais j’entendis la voix de Thérence qui disait : — Dieu soit béni, mon frère a gagné !

Je recommençai à voir clair. Huriel était debout et