venu ici, ce soir, que pour en trouver l’occasion. Or donc, je demande à maître Archignat, mon chef, ainsi qu’à maître Bastien, mon père, d’être entendu sur l’heure ou après la fête, et de me faire justice si mon droit est reconnu bon.
Là-dessus arriva le frère capucin, qui voulut prêcher la paix chrétienne ; mais il avait trop fêté le vin bourbonnais pour mener bien subtilement sa langue, et il ne put se faire entendre dans le bruit.
— Silence ! cria le grand bûcheux d’une voix qui eût couvert le tonnerre du ciel. Écartez-vous tous, et laissez-nous régler nos affaires ; vous pouvez écouter, mais non point prendre voix à ce chapitre. Ici, tous les muletiers, pour Malzac et Huriel. Ici moi et les anciens de la forêt, servant de parrains et juges à ce garçon du Berry. Parle, Tiennet, et porte ta plainte. Quelles raisons avais-tu d’en vouloir à ce muletier ? Si c’est pour avoir tenté d’embrasser ta payse, à la danse, je sais que c’est la coutume en ton endroit comme chez nous. Ça ne suffirait donc pas pour avoir eu même l’intention de frapper un homme. Dis-nous le sujet de ton dépit contre lui ; c’est par là qu’il faut commencer.
Je ne me fis point prier pour parler, et, malgré que l’assemblée des muletiers et des anciens me causât un peu de trouble, je sus assez bien dérouiller ma langue pour raconter, comme il faut, l’histoire du bois de la Roche, et invoquer le témoignage du chef Archignat lui-même, à qui je rendis justice, peut-être un peu meilleure qu’il ne la méritait ; mais je voyais bien que je ne devais point jeter de blâme sur lui, pour me l’avoir favorable, et je lui montrai en cela que les Berrichons ne sont pas plus sots que d’autres, ni plus aisés à mettre dans leur tort.
Tous les assistants qui, déjà, faisaient bonne estime de Brulette et de moi, réprouvèrent la conduite de Malzac ; mais le grand bûcheux réclama encore le