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ouvrages si fins et si beaux, comme elle les faisait. Elle affichait même devant Joseph de n’aimer plus la couture et le soin des nippes, afin de se dispenser de travailler pour lui, et de le forcer à remercier Thérence, qui s’y employait si bien ; mais, voyez un peu comme on est ingrat quand on s’est laissé déranger l’esprit par une femelle ! Joseph ne regardait quasiment point les doigts de Thérence, usés à son service ; il avait toujours les yeux sur les mains douces de Brulette, et on eût dit qu’à la voir tirer son aiguille, il comptait chaque point comme un moment de son bonheur.

Je m’étonnais comment l’amour pouvait ainsi remplir son esprit et occuper tout son temps, sans qu’il songeât seulement à faire quelque ouvrage de ses mains. Quant à moi, j’eus beau essayer de peler de l’osier et de faire des paniers, ou, avec des pailles de seigle, des tresses pour les chapeaux, je ne fus point là deux fois vingt-quatre heures sans avoir un si gros ennui, que j’en étais malade. Le dimanche est un beau jour, parce qu’il vous repose de six jours de fatigue ; mais sept dimanches par semaine, c’est trop pour un homme habitué à faire service de ses membres. Je ne m’en serais point aperçu, si l’une de ces belles eût voulu faire attention à moi ; mêmement, la blanche Thérence, avec ses grands yeux, un peu enfoncés, et son signe noir auprès de la bouche, m’aurait bien lapé sur la tête, si elle l’eût souhaité ; mais elle n’était point d’une humeur à se laisser détourner de son idée. Elle causait peu, riait encore moins, et si l’on essayait le moindre badinage, elle vous regardait d’un air si étonné qu’elle vous ôtait la hardiesse de lui en donner explication.

Si bien qu’après avoir passé deux jours à fafioter avec ces trois personnes tranquilles, autour des loges, ou à m’asseoir avec elle de place en place dans la forêt, m’étant bien assuré que Brulette était aussi en sûreté en ce pays que dans le nôtre, je commençai à chercher de l’occupation, et j’offris au grand bûcheux