en mille endroits, formaient des places plus humides, où poussaient des vergnes, des saules et des trembles, tous arbres grands et forts, dont n’approchent point ceux de notre pays. J’y vis aussi, pour la première fois, un arbre blanc de sa tige et superbe de son feuillage, qui ne pousse point chez nous, et qui s’appelle le hêtre. Je crois bien que c’est le roi des arbres après le chêne, et s’il est moins beau, on peut dire quasiment qu’il est plus joli. Ils étaient encore assez rares dans cette forêt, et Huriel me dit qu’ils n’étaient foisonnants que dans le mitant du pays Bourbonnais.
Je regardais toutes choses avec grand étonnement, m’attendant toujours à voir plus de raretés qu’il n’y en avait, et ne revenant pas de trouver que les arbres n’avaient pas la tête en bas et les racines en l’air, tant on s’inquiète de ce qui est éloigné et de ce qu’on n’a jamais vu. Quant à Brulette, soit qu’elle eût du goût naturel pour les endroits sauvages, soit qu’elle voulût consoler Huriel des reproches qui l’avaient affligé, elle admirait tout plus que de raison et faisait honneur et révérence aux moindres fleurettes du sentier.
Nous marchions depuis un bon bout de temps sans rencontrer âme qui vive, quand Huriel nous dit en nous montrant une éclaircie et un grand abatis : — Nous voilà aux coupes, et dans deux minutes, vous verrez notre ville et le château de mon père.
Il disait cela en riant, et pourtant nous cherchions encore des yeux quelque chose comme un bourg et des maisons, quand il ajouta, en nous montrant des huttes de terre et de feuillage qui ressemblaient plus à des terriers d’animaux qu’à des demeures d’humains : — Voilà nos palais d’été, nos maisons de plaisance. Restez ici, je cours en avant pour avertir Joseph.
Il partit au galop, regarda à l’entrée de toutes ces cabioles et revint nous dire, un peu inquiet, mais le cachant de son mieux : — Il n’y a personne, c’est bon signe ; Joseph va bien ; il aura accompagné mon père