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Les Maîtres sonneurs

et habillé proprement, non pas si brave qu’elle l’avait vu une fois, mais aussi gentil de sa mine et assez bien couvert pour lui faire honneur.

Cependant, elle n’en fit ni compliment ni badinerie, et seulement le regardait beaucoup, comme pour refaire connaissance avec lui, quand il n’avait pas les yeux sur elle. Elle paraissait chagrinée de lui avoir été un peu rêche, mais ne savait plus comment revenir là-dessus, car il parlait d’autres sujets, nous donnant explication du pays Bourbonnais, où, depuis le passage de la rivière, nous étions entrés, me faisant connaître les cultures et usances, et raisonnant en homme qui n’est sot sur aucune chose.

Au bout de deux heures, sans autre fatigue ni encombre, toujours montant, nous étions arrivés à Mesples, qui est paroisse voisine de la forêt où nous devions trouver Joseph. Nous ne fîmes que traverser l’endroit, où Huriel fut beaucoup accosté de gens qui paraissaient lui porter bonne estime, et de jeunesses qui le suivaient de l’œil et s’étonnaient de la compagnie qu’il menait avec lui.

Nous n’étions cependant pas encore arrivés. C’était au fin fond du bois, ou, pour mieux dire, au plus haut, que nous devions gagner ; car le bois de l’Alleu, qui se joint avec celui de Chambérat, remplit un plateau d’où descendent les sources de cinq ou six petites rivières ou ruisseaux, et formait alors un pays sauvage, entouré de landes désertes, ou peu s’en faut, d’où la vue s’étendait très au loin de tous les côtés ; et de tous ces côtés-là, c’étaient autres forêts ou bruyères sans fin.

Nous n’étions cependant encore que dans le bas Bourbonnais, qui touche au plus haut du Berry, et il me fut dit par Huriel que le pays allait toujours grimpant jusqu’à l’Auvergne. Les bois étaient beaux, tout en futaies de chênes blancs, qui sont la plus belle espèce. Les ruisseaux, dont ces bois étaient coupés et ravinés